candidate.card.title

candidate.card.description

becomeAMember.title

becomeAMember.description

La situation chez Delhaize, une responsabilité partagée entre les syndicats et la direction ?

22/03/2023 | FR / NL

Ce matin, dans un édito de La Libre Belgique, on pouvait lire clairement que la situation chez Delhaize serait due à la fois à l’attitude de la direction, mais aussi à celle des organisations syndicales qui organiseraient une rigidité du travail insoutenable dans une époque hyperconcurrentielle. C’est sans conteste une méconnaissance du dossier qui permet à l’éditorialiste d’écrire ce genre de propos. 

Depuis des années, les organisations syndicales demandent d’avoir un débat sectoriel sur l’avenir du commerce dans un contexte quotidien, qui devient complexe et difficile à vivre sur le terrain. Face à nos demandes répétées, la réponse de Comeos (la fédération des employeurs du commerce) a toujours été le dédain. Les employeurs ont laissé passer la crise sanitaire, ils ont laissé le travail du dimanche se répandre, ils ont laissé l’e-commerce prendre une place considérable en Belgique, …  Ils ont regardé tout cela sans jamais vouloir négocier.

Quand les syndicats demandent une harmonisation des commissions paritaires pour mieux répondre à la réalité de l’évolution des commerces, là aussi, la réponse est une fin de non-recevoir de la part des fédérations patronales.

Répandre aujourd’hui dans la presse ce genre de propos inexacts (qu’il y aurait une responsabilité partagée des organisations syndicales et de la direction de Delhaize) fait des dégâts considérables.

Connaître le secteur du commerce, c’est aussi savoir que depuis des années, des conventions collectives sur la flexibilité et la polyvalence sont signées dans chaque enseigne. Singulièrement chez Delhaize peut-être plus qu’ailleurs. En 2019, le SETCa y a signé seul une convention appelée ASO. Cette convention prévoyait tant de la flexibilité que de la polyvalence accrue. Le point d’équilibre qui avait été trouvé à l’époque était que cette flexibilité et cette polyvalence étaient liées à une revalorisation des contrats. En étant flexible et polyvalent, un travailleur pouvait ainsi se voir offrir un contrat à temps plein, sésame toujours trop souvent inaccessible dans le commerce.

Pour la petite histoire, cette convention contenait également une garantie de non-franchise jusque fin décembre 2024. C’est cette même convention que la direction vient elle-même de dénoncer il y a quelques semaines juste avant l’annonce de la franchise des 128 magasins. Fruit du hasard ?

Vous comprendrez peut-être mieux le lien entre la dénonciation de cette convention et l’annonce faite le 7 mars dernier. Il fallait d’abord dénoncer la convention pour pouvoir se libérer de la garantie de non-franchise jusque 2024. Ensuite, il devenait simple de se débarrasser de tous les magasins.

Alors, lire de grand matin dans la presse qu’il n’y aurait de la part des syndicats aucune volonté trouver des solutions dans les enseignes, c’est comme lire que nous diabolisons systématiquement les franchisés. Il n’y a aucune nuance. Le travail de négociation dans la grande distribution est un travail de longue haleine que nous menons vaillamment depuis des années. Les organisations syndicales n’ont également aucune prise sur les nouveaux acteurs qui envahissent le commerce belge et qui n’ont de cesse de tirer les conditions de travail vers le bas. C’est une responsabilité politique que de ne pas autoriser toujours plus de nouveaux commerces physiques sur le territoire et c’est aussi une responsabilité des employeurs que de débuter un dialogue social au sein des commissions paritaires pour voir comment éviter le dumping social intra belge. Dans le dossier de Delhaize, c’est un dumping social intra belge qui est organisé partiellement par la direction avec ses franchisés et également avec l’arrivée des magasins Albert Heijn sur notre territoire.

Après 15 jours de lutte importante, disséminer cette fausse idée de responsabilité partagée est insoutenable. Delhaize est un groupe international, non basé en Belgique, qui impose un diktat de rentabilité que notre pays ne peut atteindre dans le marché hyperconcurrentiel belge.

En tant qu’organisation syndicale, nous appelons la direction à revenir à la table des négociations et à être un vrai entrepreneur commercial. Si Delhaize choisit de prendre des décisions, la direction devrait alors les assumer ainsi que son passif social et garantir un avenir durable pour tous les travailleurs. Jouer l’ingénierie asociale et la fraude à la loi telles qu’elles sont clairement organisées par Delhaize actuellement n’est certainement pas la solution.

Depuis l’annonce, Delhaize ne cesse de rajouter de l’huile sur le feu dans sa communication. Une attitude qui pourrait occasionner des troubles en plus dans un contexte déjà difficile, alors que le débat devrait pouvoir être mené sereinement. C’est en tout cas la volonté des organisations syndicales. Le management de la peur n’apporte rien de bon.

Myriam Delmée, Présidente SETCa

Jan de Weghe, Secrétaire Fédéral SETCa